Monsieur Macron, le mouvement des Gilets jaunes manifeste la colère légitime d’un très grand nombre de Français qui ne parviennent plus à vivre dans des conditions correctes. Vous cherchez à éteindre cette colère par un « grand débat national ». Sachez déjà que la confiance est à son plus bas niveau du fait des questions tout à fait orientées de ce débat, de vos incessantes « petites phrases » pleines de mépris pour cette France « d’en bas » que vous refusez d’entendre, des violences terribles de votre police envers des manifestants, des décisions de justice iniques et injustes qui confortent la phrase de La Fontaine « selon que vous serez puissant ou misérable »… J’ai hélas très peu d’espoir que ce qui sera dit dans ce débat puisse changer quoi que ce soit car je vous découvre de plus en plus menteur au fil des mois. Comment avez-vous pu affirmer que rétablir l’ISF ne changerait rien à la vie des Gilets jaunes, que cela supprimerait des emplois car les riches partiraient plus nombreux ? ! Des économistes comme Thomas Porcher et Léo Charles démontrent, chiffres à l’appui, qu’avec la suppression de l’ISF, vous sacrifiez chaque année 4 milliards de rentrées fiscales, alors que les contribuables assujettis à l’ISF qui quittent la France représentent un déficit net de 170 millions par an !
La situation actuelle d’injustice sociale qui s’aggrave est insupportable et moralement injustifiable. Tout le monde a à gagner à un monde plus juste, y compris les riches (voir à ce sujet le livre des économistes anglais dont j’ai déjà parlé).
En outre, le défi le plus important pour notre pays comme pour le monde est la survie de l’humanité, menacée par l’effondrement écologique en cours. D’autres effondrements l’accompagnent : économique, social, financier (le FMI et plusieurs analystes nous mettent en garde contre une crise à venir prochainement, bien plus grave que celle de 2008 et rien n’est fait). L’urgence est de mettre en œuvre des politiques qui vont réduire l’impact de ces effondrements : tenter de contenir le réchauffement de la planète sous la barre des 2 ° à la fin de ce siècle, freiner l’extinction très rapide des espèces et de la biodiversité… Cela suppose des transformations radicales de nos façons de vivre, de nos modes de production. Je pense qu’un peuple peut comprendre cet objectif, les efforts que cela implique et accepter d’en prendre sa part. Un tel changement n’est toutefois possible que dans une société beaucoup plus juste et égalitaire : il est insupportable que ceux qui sont dans l’aisance, voire dans le luxe, poursuivent leurs modes de vie (et leur prédation) comme si de rien n’était. Pour demander au plus grand nombre des efforts pour un but noble et commun, il faut impérativement rétablir plus de justice sociale, donc plus de justice fiscale.
Nous en sommes là aujourd’hui. Soit vous continuez à sauvegarder les privilèges des plus riches en tentant de le justifier par des discours dont la fausseté est de plus en plus évidente, dans ce cas, la situation sociale du pays n’est pas prête de s’améliorer (et le reste non plus). Soit vous prenez conscience de l’ampleur de ce qui est en jeu et vous mettez en place des politiques audacieuses et courageuses pour une transformation profonde du pays : écologique, sociale, fiscale… et démocratique.
J’ajoute « démocratique » et je cite votre livre de campagne Révolution : vous parlez de la nécessité d’« une révolution démocratique profonde ». Quelle est-elle ? Depuis votre arrivée au pouvoir, vous refusez d’écouter le peuple dont vous êtes le président, vos forces « de l’ordre » le combattent férocement… Où sommes-nous ?
J’ajoute « démocratique » car le fait qu’un gouvernement national ou supra-national (union européenne) puisse imposer aux populations des politiques qu’elles refusent nettement, ne peut plus durer. Sur le plan politique, il faut aussi des changements majeurs de notre société. Le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) en toutes matières est une revendication importante qui peut donner au peuple un peu de souveraineté. Vous avez la possibilité d’organiser un référendum pour demander aux Français s’ils sont d’accord pour une modification de l’article 3 de la constitution instaurant le RIC. Il nous faut aussi une nouvelle constitution, qui soit écrite par une assemblée tirée au sort pour éviter les conflits d’intérêts. J’en ai déjà parlé ici.