« La beauté est dans les yeux de celui qui regarde » : c’est Oscar Wilde qui l’a dit. C’est tellement vrai ! Nous avons le pouvoir immense de choisir ce que nous mettons dans nos yeux pour regarder le monde et les autres. Il y a quelqu’un dont le regard est extraordinaire, c’est Christian Bobin. Chacun de ses livres m’éblouit. Dans « L’homme joie » son dernier livre, il nous fait partager son regard sur son monde ; voilà ce qu’il dit sur son père atteint de la maladie d’Alzheimer : « Quand mon père ne savait plus rien de moi, il savait encore qui j’étais, je le sentais, je l’éprouvais et ce qu’on éprouve est plus grand que tout ce que nous dit la science. Ne trouvant plus les prénoms, il rusait. Interrogé sur moi, il répondait: « c’est celui qu’on n’oublie pas », et sur ma mère : « c’est la meilleure ». Ces oublieux n’oublient rien d’essentiel. C’est ce qui les distingue de nous. »
Récemment, je rencontrais un bon nombre de nouvelles personnes, certaines avec qui le courant passait vite et d’autres bof. Parmi ces dernières, l’une d’entre elles était vraiment défigurée par une maladie de peau que je connaissais. J’ai passé un petit moment avec elle à parler de choses et d’autres, me sentant gênée à la regarder. Et voilà qu’au moment du diner, nous nous retrouvons face à face. Gênée au début, je suis finalement sortie des sujets conventionnels, je l’ai interrogée sur sa maladie, je l’ai écoutée et lui ai donné des pistes de recherche d’amélioration. Nous avons eu un échange sérieux et profond. Après coup, j’ai réalisé que suite à ce choix, mon ressenti avait été complètement transformé : pas de gêne et presque un oubli de l’aspect de son visage, je la voyais autrement, je regardais ses yeux et nous échangions vraiment, sincèrement.
J’ai aussi réalisé que ce n’était pas la première fois que cela m’arrivait et que finalement j’avais trouvé un « truc » pour changer mon regard : échanger sincèrement, de coeur à coeur. Reste qu’il y a encore des contextes où je ne me sens pas de le faire… je ne m’étonne plus trop de n’y trouver alors guère de beauté !